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Traduction: Pierre Nepveu

La table de nuit est remplie de choses interdites. Je plonge mon nez qui coule dans l’eau bénite et je touche le Sacré Cœur exposé. Tous les secrets sont à portée de la main. Beau et bien droit, mon Saint Ange Gardien se tient debout à côté de mon lit. Au lieu de fleurs d’église il y a un mur vert avec un miroir, je peux enfin voir son dos et il est clair que ses ailes poussent. À mesure qu’il se rapproche de moi, il devient plus petit. Minuscule et enjoué, il s’invite sur tes lèvres de plus en plus grandes, et la voix qui en sort brille comme des cailloux dans un torrent qui mugit. Mon Saint Ange Gardien me montre son doux visage pour la troisième fois. Maintenant je suis petite moi-même, je ma cache entre les plis des draps et je ricane. Je voudrais le toucher, le prendre avec moi sur mon oreiller. Mais entre nous, il y a une ride étroite qui va du nez jusqu’à la bouche, je la monte et la descend des yeux plusieurs fois sans oser la franchir. Ce trait t’appartient non pas comme un arbre qui enracine la confiance dans la terre, mais comme un nuage dispersée par le vent qu’un solitaire regarde de la fenêtre, son attention captée par les bruits de la rue.

 

Published by Talisman: A Journal of Contemporary Poetry and Poetic